samedi 22 juin 2013

JOANNE GAIR : DES INDIGÈNES M­AORI AUX CÉLÉBRITÉS DE HOLLYWOOD...


«Les grands artistes sont ceux qui imposent à l'humanité leur illusion particulière.»
Guy de Maupassant

Vous avez beau avoir entendu parler d'un phénomène, lorsqu'il se retrouve soudain à deux mètres de votre visage, vous pouvez ressentir un véritable choc ! 

C'est ce que me racontait, il y a quelques mois, un proche parent qui travaille comme serveur dans un grand hôtel de la ville où j'habite.  Au long de sa carrière de presque 40 ans au service des banquets de cet employeur de renommée internationale, il a côtoyé des gens de toutes les nationalités et de tous les métiers lors de réunions, de colloques, de congrès et de fêtes de toutes sortes.  

De l'humble fermier, membre de l'Union des Producteurs Agricoles, pas mal perdu dans la vaste salle de bal de ce grand hôtel, jusqu'au président des États-Unis assistant à une conférence mondiale, il en a vu de toutes les couleurs mais jamais il n'avait été confronté à un telle surprise...

En qualité de serveur, il est souvent appelé à donner un coup de main pour décorer les tables et les salles où les clients se rassemblent pour manger, travailler ou se divertir.  Mais cette décoration-là, il n'en avait jamais vu de semblable.  Jamais au grand jamais !  D'ailleurs, les invités au banquet n'avaient d'yeux que pour elle.  Pour "elles", en fait, parce qu'elles étaient deux.

Il s'agissait de deux jeunes femmes qui n'avaient pour tout vêtement qu'une couche de maquillage ou de peinture sur le corps.  Ah !  ce n'est pas tout à fait exact, l'une d'elles portait un mini slip mais si petit que...  Bon nombre de congressistes étaient donc fort distraits et ils ne suivaient guère les présentations habituellement assez ennuyantes de ce genre d'activités d'affaires.

Les plus hardis se risquaient même à demander des autographes aux deux centres d'attraction de la place, histoire de les admirer de plus près.  Hum ! Hum !  Curieusement, c'est celle qui ne portait pas de slip qui recevait le plus de demandes, et qui semblait la plus gênée de ces regards inquisiteurs posés sur sa personne !


Décidément, on n'a plus les "hommes sandwichs" que l'on avait dans la première moitié du XXe siècle !  Dans ce temps-là, en effet, on voyait parfois des hommes se promener dans les rues des grandes villes avec une double pancarte attachée au cou, et qui leur pendait sur le torse et sur le dos.

Sur ces affiches il pouvait y avoir de la publicité, des offres de services, des slogans de manifestation, des menus de restaurants, des annonces d'événements, de la propagande, des caricatures, etc.  L'essentiel c'était d'attirer l'attention du public. 

Aujourd'hui, avec le body painting ou la peinture corporelle, le but est le même mais disons que les moyens ou le "matériel" ont bien changé !


Manifester ainsi ses opinions, ses intérêts, ses intentions ou son appartenance à une compagnie ou à un groupe n'a pourtant rien de nouveau.  Les tribus primitives des premières nations le faisaient déjà il y a plusieurs milliers d'années !  Des indigènes comme les Maori de Nouvelle-Zélande (photo ci-dessus) dont s'est inspiré une artiste de ce pays, Joanne Gair, qui est devenue célèbre à Hollywood !  

Cette femme de 55 ans qui a grandi à Auckland avant de faire plusieurs séjours à l'étranger pour enfin élire domicile à Los Angeles en 1984, est reconnue comme la "leader" de son art dit "du trompe-l'oeil".  Gair se décrit d'ailleurs elle-même comme une "illusionniste", une "faiseuse" d'images qui oeuvre dans l'univers des perceptions.

Les plus cyniques en profiteront pour souligner que cette artiste est bien de son temps : un temps où la tromperie, l'hypocrisie, la superficialité, le "paraître", la chirurgie plastique et les fausses apparences sont à la mode...


Joanne Gair est arrivée en Californie au milieu des années 1980, à l'époque où l'industrie du vidéo-clip naissait.  Cette nouveauté a d'ailleurs grandement stimulé sa créativité.

À la base, c'est une maquilleuse.  Dans ses années de formation et de découverte elle a été impressionnée et influencée par la tradition des peintures corporelles et des ornements présente dans la culture des Indiens d'Amérique, des Indiens Mehndi et des geishas japonaises.

L'accoutrement et les "déguisements" des groupes de musique rock ou "heavy metal" américains (comme le groupe Kiss) l'ont également marquée.

À 19 ans, elle avait déjà commencé à utiliser des crayons "sharpie" pour dessiner sur le corps des gens.  Et dès son installation en Californie, Gair a oeuvré dans le monde de la musique en créant des pochettes d'albums et en collaborant à des vidéos de David Lee Roth, Tina Turner, Grace Jones, Annie Lennox et Mick Jagger.

Par la suite, pendant dix ans, elle sera associée aux "décorations" et aux "idées artistiques" de Madonna.  Gair a mérité de nombreuses récompenses et plusieurs trophées décernés par l'industrie du show business américain.  

Elle a aussi aidé quelques-uns de ses clients dans le monde de la mode, de la publicité et du style à gagner des prix d'excellence.  Gair a elle-même créé des modes et des tendances.


Joanne Gair est devenue célèbre en réalisant les fameuses peintures corporelles de Demi Moore pour les pages couvertures du magazine VANITY FAIR en août 1991, et le même mois en 1992.  Ces oeuvres sont considérées encore aujourd'hui comme les exemples les plus connus du body painting moderne.

À partir de ce moment-là, elle recevra beaucoup de commandes des médias (Vogue, Rolling Stone, Playboy, BlackBook, Harper's Bazaar), des meilleurs photographes, des directeurs de production du cinéma et de la télévision, des compagnies de cosmétiques (L'Oréal, Maybelline, Revlon, Oil of Olay, Rimmel), des agences ou des firmes de publicité et de mode (Donna Karan, Versace, Victoria's Secret, Guess), des super mannequins et d'un grand nombre de célébrités (Cindy Crawford, Michelle Pfeiffer, Kim Basinger, Christina Aguilera, Gwyneth Paltrow, Sophia Loren, Celine Dion, Gwen Stefani, Aerosmith, Nine Inch Nails, etc).

Ils ou elles sollicitent tous sa collaboration ou sa touche de génie pour mettre leur travail, leurs idées ou leur personne en valeur.


Mais ce qui deviendra sa marque de commerce ou sa niche de spécialité, ce sera ses fameux faux costumes de bain pour les numéros spéciaux (Swimsuit Issues) de la revue Sports Illustrated.  

C'est devenu une tradition depuis quinze ans.  Les plus grandes top modèles de la planète sont passées sous son pinceau d'experte.  Un "travail" que bien des hommes auraient voulu accomplir sur les superbes corps nus des Heidi Klum (photo ci-dessous), Rachel Hunter, Jessica White, Sarah O'Hare, Marisa Miller, Noémie Lenoir, et Kate Upton (photo ci-dessus), pour n'en nommer que quelques-unes...


Puisque, au début de sa carrière, Joanne Gair maquillait des visages, elle en est venue naturellement à maquiller le reste du corps de ses modèles : «De la peau, c'est de la peau», a-t-elle réalisé rapidement, «pourquoi devrait-il y avoir une séparation entre le visage et le corps ? J'ai seulement incorporé les deux ensemble.»

Pour elle, il n'y a pas de limites à ce qu'elle peut faire avec le maquillage.  La même transition qu'elle a faite en passant du maquillage facial au body painting, elle l'a également réussie en passant derrière la caméra pour photographier elle-même ses chefs-d'oeuvre.

Il en a résulté deux livres : Paint A 'Licious (2005) et Body Painting : Masterpieces By Joanne Gair (2006).  Sports Illustrated a aussi publié, en 2007, "In the Paint", un livre reproduisant la collection de Gair pour les éditions spéciales SwimSuit de la populaire revue.

À la différence des toiles des peintres "classiques", les "toiles" de Gair comportent des formes humaines qu'elle doit exploiter ou dont elle doit tenir compte dans ses dessins. 

Mais comme les toiles ordinaires, la peau nue de ses modèles doit être parfaitement lisse, c'est-à-dire qu'elle doit être complètement dépourvue de poils ou de résidus quels qu'ils soient (crème, sueur, cosmétiques, huile de bronzage).

Les mannequins doivent aussi être déjà bronzés depuis quelque temps.  Pour peindre un sujet, il faut généralement une douzaine d'heures de travail.  

Puisque les photographes veulent profiter de la lumière des fins d'après-midi pour immortaliser les oeuvres de Gair, il faut donc livrer la "marchandise" pour 14 heures 30.  Joanne doit commencer sa peinture vers une heure, dans la nuit qui précède.  Il faut prévoir des pauses pour le lunch et le repos.  

Gair est toujours bien préparée mais elle ne dessine pas son projet sur papier avant de le peindre sur la peau de son sujet.  Deux assistantes l'aident dans sa tache.  Les trois femmes font l'essentiel du projet dans les premières heures.  

Durant cette première étape, le modèle doit se tenir debout.  Ensuite il pourra être en position assise et surélevée afin que l'équipe puisse en faire le tour.  Il pourra aussi être étendu sur le dos ou à plat ventre sur une table de massage.  

On va continuer de le peindre même lorsqu'il dormira.  Au besoin on protégera ses yeux avec du tissu ou des lunettes.  

Pour les parties les plus intimes et les plus sensibles du corps des mannequins, on peut incorporer de petites pièces prosthétiques qui seront masquées par la peinture ou le maquillage.  

D'autres modèles n'en auront pas besoin si elles se sentent confortables et en confiance après avoir vécu, par exemples, d'autres expériences avec les gens sur place.


L'art de Joanne Gair a bénéficié des avancées technologiques au fil de ses trente ans de carrière.  De la peinture à l'eau, elle est passée à un vaste assortiment de pigments, d'encres, de cosmétiques et de processus techniques qui étendent sa palette et sa liberté de création.  

Ce qui lui donne le plus de fil à retordre ce sont les textures qu'elle doit parfois reproduire sur la peau de ses modèles.  

Pour peindre le corps de Alyssa Miller, récemment, elle a dû faire une imitation d'un genre de suède blanc.  Une double difficulté. D'abord, justement à cause de la composition de la texture, et aussi parce que le blanc est une couleur dure à appliquer en raison de la poudre plus abondante contenue dans ses pigments.  Cette caractéristique rend cette couleur fragile, et il est ardu de déterminer la quantité suffisante de peinture requise pour assurer une bonne couverture de la surface peinte.    


En général c'est facile pour Joanne Gair de travailler avec des mannequins célèbres.  Ce sont des professionnelles et elles sont toutes dotées d'une très belle peau.  

Gair a spécialement aimé peindre le corps de Kate Upton.  Celle-ci se sent très bien dans sa peau et c'est une fille pleine de vie.  Elle sait comment relaxer et garder un bon moral.  Elle adopte une attitude zen pendant les longues heures de "travail" tout en faisant preuve d'humour.  La splendide blonde a beaucoup de personnalité.  

Avec elle comme avec ses autres modèles, Joanne Gair se fixe l'objectif de les montrer sous leur meilleur jour afin qu'elles dégagent l'image de filles athlétiques et en parfaite santé.  On est à l'opposé du concept du mannequin maigrichon à la froide beauté plastique...


Certes, sa spectaculaire collection de SwimSuit de Sports Illustrated a fait la renommée de Joanne Gair.  Mais, personnellement, ce n'est pas le "glamour" de ces oeuvres qui m'impressionne et me ravit le plus dans le catalogue ou les expositions de cette grande artiste originaire de Nouvelle-Zélande.  

Ce sont plutôt ses idées et ses réalisations dans le domaine de la publicité et de la photographie (exemple ci-dessus avec Pamela Anderson).  La grande qualité de l'esthétisme de ses photos pour la compagnie Guess est difficile à surpasser.  

En body painting, Gair est à son mieux quand elle s'inspire de la nature et de la culture de son pays d'origine pour créer des compositions organiques superbes.   

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