lundi 4 août 2014

LA QUÉBÉCOISE LORIE HAMEL : JEUNE PRODIGE DU MAQUILLAGE ET DE L'ART CORPOREL.


Lorsque je vais à la chasse ou à la pêche d'images fantasmagoriques, ou quand je pars à la recherche du "spectaculaire" dans les arts visuels, je fais toujours un détour du côté des effets spéciaux des films de science fiction avant d'aller aussi jeter un coup d'oeil aux résultats des fabuleuses compétitions du "World Bodypainting Festival" qui se tient chaque année en Autriche, au mois de juillet.  

Cet événement rassemble les meilleurs spécialistes de l'art corporel, mieux connu sous son vocable anglais de "body painting".  Cet été, c'était la 17e édition de ce rassemblement, le plus prestigieux et le plus couru en son genre.  

Année après année, à force de voir les exemples des prodiges que réalisent les artistes provenant de plus d'une quarantaine de pays, on devient de plus en plus exigeant et un peu blasé.  On veut être surpris.  

Et bien, à la fin de ce concours international, la surprise est venue, non pas tant des oeuvres présentées, mais de l'identité de la gagnante de la catégorie «Effets spéciaux - Visage».  Il s'agit de la jeune Québécoise Lorie Hamel, originaire de Trois-Rivières.  À 26 ans, et avec ses airs d'adolescente, c'était le "bébé" parmi les participants et participantes de cette compétition de professionnels de haut niveau, où les moins âgés sont habituellement dans la mi-trentaine ou même dans la quarantaine.

Mais dans ce groupe restreint d'as du body painting, la présence de mademoiselle Hamel n'avait rien de nouveau puisqu'on la voit faire sa place dans ce milieu d'artistes d'élite depuis quatre ans déjà.  

En 2010, alors qu'elle était encore étudiante au baccalauréat en arts visuels à l'Université du Québec à Trois-Rivières, elle avait ravi la troisième place dans la catégorie «effets spéciaux» à ce fameux Festival d'Autriche (WBF).  On avait salué sa performance et vanté son esthétisme.  «C'était l'année où j'ai commencé à faire de la compétition et je les gagnais toutes.  Je n'avais jamais fait d'effets spéciaux de ma vie, et je me suis ramassée 3e au monde.  Je n'étais clairement pas consciente de l'ampleur de ce festival-là», a-t-elle déclaré, après être revenue chez elle, fière de son exploit.  

Cette année, au WBF, elle s'est aussi hissée jusqu'au 6e rang dans la catégorie du "airbrush" ou aérographe. 

Depuis quatre ou cinq ans, le formidable américain Scott Fray, à qui nous avons déjà consacré un billet dans ce blogue, est pratiquement indélogeable de la première position dans cette catégorie maîtresse.  


Avec des merveilles comme Lorie Hamel, ou le cinéaste Xavier Dolan et la joueuses de tennis Eugenie Bouchard (photo ci-dessus), le Québec produit des jeunes au talent extraordinaire qui s'affirment dans plusieurs domaines, sur la scène internationale.  

On est loin de l'époque du rapport Durham (1837) dans lequel les conquérants anglais écrivaient que les Canadiens étaient un peuple sans éducation et sans culture.  

Il y a à peine 50 ou 60 ans, l'écrivain, et auteur-compositeur-interprète Félix Leclerc (1914-1988) avait dû s'exiler en France pour obtenir la reconnaissance qu'il méritait.  Il semblait prêcher dans le désert en disant aux Québécois de prendre leur place dans le monde en arrêtant d'avoir peur de l'inconnu, peur d'entreprendre, peur du ridicule, peur de la police, peur de leur femme (!!!), peur d'être heureux !  

Depuis, des artistes comme Robert Charlebois, Robert Lepage, Diane DufresneLuc PlamondonCéline Dion, Garou; ou des entreprises québécoises comme le "Cirque du Soleil" ont fait leur marque dans toute la francophonie et même au-delà.  

Il semble que la jeune génération, celle de Lorie Hamel, a encore moins de complexe et plus d'audace que la génération précédente.  Ils osent se lancer à l'aventure, et relever des défis en se disant : «pourquoi pas ?», même si les chances de succès paraissent minces.


Très tôt dans sa vie, Lorie a réalisé qu'elle aimait peindre.  Toute petite, elle "travaillait" déjà avec du matériel d'adulte.  C'est d'abord en maquillant des enfants pour toutes sortes de fêtes qu'elle a eu la piqûre de l'art corporel.  

Cette facilité, ce talent précoce, s'est vite transformé en véritable passion.  Elle a cherché à se perfectionner en faisant des études dans le domaine.  Mais avant même d'obtenir son diplôme universitaire, elle avait déjà démontré son talent, et créé une forte demande pour ses services.  

Elle s'est fait connaître et elle s'est imposée rapidement en honorant plusieurs petits contrats, et en remportant le premier prix en "Face Painting" professionnel au "Face and Body Art International Convention" (Orlando, Floride, 2010).  La même année, elle a triomphé dans la catégorie "effets spéciaux" au "NZ Body Art Awards", en Nouvelle-Zélande.

Depuis ce temps, elle a beaucoup appris, et elle a beaucoup voyagé en participant et en excellant dans bien d'autres compétitions disputées un peu partout sur la planète.  

Bien sûr, ses succès la réjouissent et la surprennent un peu, mais elle se sent à sa place dans cet univers fascinant de l'art corporel.  Plus que les prix et la reconnaissance qu'ils lui procurent, ce sont les contacts avec les autres artistes qui l'enthousiasment et lui font aimer ces réunions et ces activités à l'étranger.  
C'est en observant travailler les autres compétiteurs que Lorie peut s'améliorer et progresser dans son art.  «Nous ne sommes pas beaucoup à faire ça et c'est l'occasion d'échanger et de créer des liens» mentionne la jeune Trifluvienne.  «Puisque les artistes peuvent laisser libre cours à leur imagination le temps d'un projet où tout est permis, ça fait vivre les idées créatives et ça nous permet d'encore mieux faire notre travail par la suite.  Ça fait vivre l'art !  C'est tout à fait incroyable pour un artiste de vivre ce rassemblement».


En plus de briller dans des concours mondiaux, Lorie Hamel a aussi impressionné, sur le plan professionnel, en participant à des projets excitants, notamment en cinéma et dans le domaine des jeux vidéo.  

Entre autres, elle a fait du maquillage pour le film "Immortals" de Tarsem Sight et elle a agi comme chef maquilleuse pour la compagnie Ubisoft dans le projet "Black Eyed Peas".  

Même si sa carrière débute à peine, on ne compte plus ses participations ou ses collaborations dans diverses expositions , des tournages de vidéo clips ("4brother" pour le vidéoclip de Imposs et Corneille), des festivals et des conférences.  

Polyvalente, Lorie a également fait de la direction artistique, conçu des costumes et des coiffures, publié un article dans "The Art of Bodypainting" (2012) et organisé une compétition de bodypainting près de chez elle.  

Facile d'approche et pas prétentieuse pour deux sous, malgré ses succès remarquables, Mlle Hamel veut transmettre la passion de son art au public et à ceux et celles, encore plus jeunes qu'elle, qui ont suivi ses cours de peinture, il y a déjà dix ans de cela !  Oui, à quinze ans seulement, Lorie était professeure pour des enfants de 9-10 ans !  Quand on disait qu'elle était précoce...


On peut seulement rêver à ce que cette artiste très douée pourra accomplir dans les prochaines décennies.  Fort occupée présentement, Lorie n'a pas le temps de reprendre son souffle entre ses participations à des festivals de peinture, son travail sur les plateaux de tournage de studios de cinéma, ses responsabilités en tant qu'animatrice de rue chez elle à Trois-Rivières, ou son boulot dans divers événements corporatifs au Qatar ou à Dubaï.  Mais elle apprécie ce travail aussi excitant qu'imprévisible : «ma vie, c'est toujours dernière minute !» avoue-t-elle, en riant.  

Bien que ses oeuvres soient fatalement éphémères, Lorie les aime justement à cause de cela : elles sont uniques, fragiles, magiques et vivantes !  Elles n'auront été exécutées qu'une fois seulement, avec leur composition particulière, leur finalité précise et les multiples détails qui les personnalisent.  Seuls les photographes auront pu les immortaliser, si on peut dire...  

La peau de ses modèles est pour Lorie le plus beau des canevas car cet épiderme est fragile, réactif et subtil.  Toutefois, gare à la chaleur quand le body painter est à l'oeuvre !  Car sous l'effet de la transpiration du modèle, la peinture est gâchée et disparaît !  

Un peu comme les magiciens qui font disparaître des objets ou des personnes, les artistes corporels sont des illusionnistes passés maîtres dans la magie du "trompe-l'oeil" et du fantastique...  

mardi 29 juillet 2014

LES ÉBLOUISSANTES PEINTURES DANSANTES DE RACHELLE DYER ET COMPAGNIE...

DE NOLI - Belly Dancer of Chatanoga
«Cette fête du corps, devant nos âmes, offre lumière et joie».  Paul Valéry

Nous vivons à une formidable époque dans laquelle science et art s'unissent pour sublimer et enrichir notre expérience du "beau".  Ce mariage intime entre esprit scientifique et sensibilité artistique est relativement nouveau.  Ces deux entités différentes s'étant plutôt ignorées ou "snobées" depuis l'avènement des temps modernes.  Mais voilà que les préjugés ou les frontières ont explosé, entre ces deux mondes, au cours des dernières décennies; pour notre plus grand bonheur !  Les nouvelles technologies, notamment en infographie et en techniques cinématographiques, ont permis à des artistes de génie de faire éclater les genres et d'offrir des spectacles grandioses issus d'une approche multidisciplinaire.


ROBERT  LEPAGE
Robert Lepage, de Québec, en est un bon exemple.  Attiré dès son jeune âge par toutes les formes d'art, ce metteur en scène de 56 ans, a conquis le monde entier par sa puissante et originale opération de création, tenant à la fois de la globalisation et de la symbiose du théâtre, du cinéma, de la musique, du cirque, de la projection d'images, de la littérature, de la mise en lumière, de l'opéra et de la chanson.  Cet amalgame et cette fusion des arts sont mis en valeur et poussés à leur paroxysme par des moyens techniques à la fine pointe de l'innovation.   Cette prospection tous azimuts nous entraîne dans un univers étonnant et envoûtant, même s'il peut être déroutant et déstabilisant, parfois...le temps de l'apprivoiser et d'y entrer de plain-pied.

Cette fête des arts qui s'épousent, se fécondent et produisent des fruits savoureux, je l'ai retrouvée dans les oeuvres de jeunes peintres qui, comme Lepage, ont pris le beau parti de décloisonner les genres et d'inventer leur propre style.  Voici un bref regard sur leur passionnant parcours...



RACHELLE DYER - Lunge to the Side
«Quand tu danses...tu sors de toi-même, tu deviens plus grand et plus puissant, plus beau.  Pendant quelques minutes, tu es héroïque.  C'est la puissance.  C'est la gloire sur terre.  Et cela t'appartient, chaque soir.»  Agnes de Mille

Certains arts sont proches parents et peuvent être maîtrisés ou combinés mieux que d'autres par le même artiste.  Mais il faut être doué, fort savant ou très instinctif pour exceller avec autant de talent dans plus d'une discipline à la fois.  Avoir expérimenté personnellement, intensément et intrinsèquement ces formes d'art distinctes est certes un grand avantage et un atout incomparable.  C'est le cas pour une brillante jeune artiste canadienne du nom de Rachelle Dyer.  Dès l'âge de six ans, cette résidente de Burnaby, en Colombie-Britannique, influencée par une famille dans laquelle les arts fleurissent dans un bon terreau, tombe en amour avec la danse.  Elle se met au ballet parce qu'elle aime la beauté et la grâce de ces mouvements dynamiques et rythmés qui lui procurent des sentiments de paix et de liberté lorsqu'elle est sur scène.  Mais à peine entamée, sa carrière professionnelle de danseuse est compromise, et bientôt avortée, par des blessures chroniques.
RACHELLE DYER
C'est alors qu'elle se tourne vers la peinture, dont elle avait appris les rudiments au cours de ses études secondaires.  Mais tout son corps, son coeur et son âme sont toujours possédés par la danse et la musique qui l'accompagne habituellement.  Ce bagage d'intuition, de sensations et d'expérience lui servira à jamais d'inspiration pour ses oeuvres dessinées et peintes.  Rachelle, dans la quête absolue de la maîtrise de son style, cherche à capturer, sur ses toiles, l'émotion et l'essence des mouvements propres aux danseurs.  Le but de cette ingénieuse autodidacte est de faire ressentir aux personnes qui observent ses tableaux, les mêmes vibrations que celles qui l'animent intérieurement quand elle peint.

RACHELLE DYER - Moving Through
Cette jolie Canadienne d'à peine 26 ans fait passer sa magie artistique par la lumière et la passion qu'elle met dans les yeux de ses sujets "dansants".  Ces tours de prestidigitation se traduisent aussi dans la tension et l'élan que mademoiselle Dyer insuffle dans les bras et les jambes de ses personnages, touchés par l'amour de leur art...  Le résultat s'avère superbe et on se demande jusqu'où pourra bien aller cette poète du pinceau, déjà excellente à un si jeune âge !  Quelle danseuse elle devait être !  Du genre de celles dont Henry Havelock Ellis a dû s'inspirer pour écrire, dans son livre "LA DANSE DE LA VIE" : «La danse est le plus sublime, le plus émouvant, le plus beau de tous les arts, parce qu'elle n'est pas une simple traduction ou abstraction de la vie; c'est la vie elle-même».  Rachelle Dyer est-elle une danseuse qui peint, ou bien un peintre qui danse dans ses toiles ?  Il semble que les deux hypothèses sont vraies et font d'elle une artiste exceptionnellement remarquable...


A. KURASOV - Salome Dance
Beaucoup de peintres admirables se sont inspirés de la danse pour ravir les amateurs d'art.  Parmi mes préférés : encore un Canadien, Oliver Ray, la Bulgare Galya Bukova, les Russes Misti Pavlov et Leonid Afremov (Biélorussie), l'Anglaise Josephine Wall et, bien sûr, l'incontournable maître français Edgar Degas.  Le diaporama suivant nous montre certains de leurs chefs-d'oeuvre, accompagnés par la poésie musicale d'un illustre compatriote de Rachelle Dyer, le montréalais Leonard Cohen, qui chante, en concert, son immense succès DANCE ME TO THE END OF LOVE.  Sur ces accords envoûtants, qui font un peu penser à ceux du folklore musical grec, on peut s'imaginer facilement en train d'admirer, en pleine action, la déesse de la danse, la captivante Terpsichore.  À moins que ce ne soit les Bacchantes ou Salomé...  Tous les rêves sont permis...