lundi 8 août 2022

DANS LA FOISONNANTE JUNGLE URBAINE DE GREGORY HERGERT.


Le fondateur du surréalisme urbain, l'artiste peintre Gregory Hergert, se nourrit de l'énergie vibrante et grouillante de la faune urbaine dans laquelle il vit (Portland, Oregon) pour créer des oeuvres éloquentes, satiriques, et saisissantes.  Ses peintures s'éclatent en humour, en couleurs vives, en contrastes frappants, et en érotisme, dans des formes savamment soumises à des distorsions qui produisent des effets sensationnels.

GREGORY  HERGERT
L'américain Greg Hergert est né en 1952 à Corvallis, Oregon.  Mais il a grandi à Shelton, une petite localité agricole et forestière, dans l'état de Washington.  Ses amis étaient des fils de bûcherons.  Ils fumaient tous de la drogue.  Détail important qui explique peut-être pourquoi on retrouve des cigarettes dans la plupart de ses tableaux originaux.

Hergert en a-t-il fumé lui aussi avec ses amis durant son adolescence ?  Je ne le sais pas.  Mais plusieurs drogues provoquent des hallucinations ou des rêves étranges qui ont inspirés bien des artistes visuels ainsi que des musiciens.  Et Hergert a vécu sa jeunesse en pleine période «hippie».  Alors, il se peut qu'il ait été influencé par cette contre-culture révolutionnaire.

ANDY  WARHOL  -  ZEBRA

Son père était un chimiste mais il rêvait d'être un artiste.  Il amenait souvent sa famille voir des expositions dans les musées.  Son fils Gregory a donc été mis en contact avec l'art assez tôt dans sa vie.  Il appréciait particulièrement les oeuvres d'Andy Warhol.  Il aurait bien aimé imiter son idole, mais il n'avait aucune idée de comment y arriver.  

Parmi les arts, le jeune Hergert préférait davantage la littérature.  Il adorait lire des histoires.  Ce goût pour les récits fantastiques l'inspirera plus tard dans sa carrière de peintre.  Par exemple, il a peint une toile représentant la fable du Petit Chaperon rouge.  

À dix-sept ans, il déménage avec sa famille à Madison, dans le New Jersey.  Hergert suit son instinct et ses rêves en choisissant d'étudier en design au Rhode Island School of Design.  Ses collègues étudiants sont pour la plupart des fils d'illustrateurs ou de peintres.

NORMAN  ROCKWELL  -  THE  PLUMMERS  CIRCA
Beaucoup d'entre eux sont des admirateurs du célèbre illustrateur Norman Rockwell (1894-1978).  Greg s'intéresse aussi à son oeuvre, qui l'influencera beaucoup, plus tard dans sa carrière.  De Rockwell il aime particulièrement son style «raconteur d'histoires», ses personnages à la tête surdimensionnée, et l'usage qu'il fait de la caricature pour accentuer le caractère comique de certaines situations qu'il peint.

Fraîchement diplômé de l'école de design de Rhode Island, Hergert retourne chez ses parents, sans savoir quoi faire pour gagner sa vie avec sa nouvelle formation.

Pour se divertir, il regarde souvent son magazine favori, Humorama.  C'est une revue contenant des caricatures comiques et des photos de pin-up (Bettie Page, Eve Meyer), d'effeuilleuses (Lili St-Cyr) ou d'actrices sexy (Joi Lansing, Tina Louise, Sophia Loren), accompagnées de gags pour la plupart sexistes.

Plusieurs dessins montrent des secrétaires sexy au décolleté profond, à la poitrine et au postérieur proéminents, aux pulls moulants, reluquées libidineusement par des patrons ou des collègues masculins.  Certaines d'entre elles ne s'intéressent aux hommes que pour leur argent.

Parmi ces caricaturistes de Humorama, plusieurs sont d'excellents artistes qui ont, ou qui auront de belles carrières.  Il faut notamment mentionner : Dan Decarlo (Archie), Bill Wenzel (Sex to Sexty), Bill Ward (Torchy) et Jack Cole (Playboy).
  
DESSIN  PAR  BILL  WARD
Les anciens numéros de la revue Humorama -surtout ceux de la faste période 1955-1965- sont devenus des objets de collection très recherchés par les amateurs de «vintage» et de «kitsch», ainsi que par des historiens et même, fait surprenant, par des femmes ! 

Ce genre d'art populaire marquera aussi le style pictural du futur peintre Hergert, notamment son goût pour l'hyper sexualisation de ses personnages de femmes en forme de sablier ⌛.

À l'endos de chaque numéro, se trouvent les adresses des collaborateurs du magazine.  Un d'entre eux habite tout près de la famille Hergert.  Greg prend son courage à deux mains et il décide d'aller le rencontrer. C'est ainsi qu'il découvre un mentor qui lui enseignera les trucs du métier d'illustrateur.  Grâce à ses nombreux et importants contacts, il lui fera également obtenir ses premiers contrats.



À Manhattan, New York, qui est le principal centre de l'industrie de la publication aux USA, Hergert se taille une carrière enviable de 1978 à 1997.  Il décroche beaucoup de contrats d'illustrateur, notamment pour Penthouse, McCall's, CBS et la revue Psychology Today.

Ensuite, une expérience marquante viendra changer son orientation et son chemin.  En effet, quand sa mère est atteinte de la maladie d'Alzheimer, Gregory interrompt sa carrière et se rend en Pennsylvanie pour être son proche aidant naturel.  Sa façon de voir la vie, sa pensée, seront transformées par cet épisode éprouvant.

Après le décès de sa mère, Gregory Herbert reprend son métier d'illustrateur, mais, graduellement, c'est la peinture qui l'occupe de plus en plus.
  
UNE  OEUVRE  DE  ROBERT  WILLIAMS
















Il est inspiré par le mouvement artistique «Lowbrow», surnommé également «surréalisme pop», qu'il découvre sur le web.  Né en Californie (L.A.) à la fin des années 1960, ce genre artistique se définit par un amalgame de cultures ou de sous-cultures du type «punk» ou «tiki»; de bandes dessinées comiques underground, et de graffitis.  Un de ses représentants, à l'origine de son appellation «Lowbrow», est le peintre Robert Williams.

Aux fins de ses productions picturales, Gregory Herbert nourrit son imagination fertile de toutes sortes d'images issues de courants artistiques divers, et de quantités de dessins, de photos et d'objets hétéroclites dont l'intense accumulation transforme parfois son atelier en un véritable capharnahüm.

UNE  OEUVRE  DE  JOSEPH  CORNELL

















Mais il accepte ce désordre et apprend à composer avec lui, surtout depuis qu'il a lu un livre au sujet du sculpteur new yorkais Joseph Cornell (1903-1972), qui, comme lui, collectionnait toutes sortes d'objets, les assemblaient pour en faire des oeuvres d'art dans des genres de coffrets ou d'armoires.  Il fut un pionnier dans ce genre artistique.

D'ailleurs, en peinture, chez les surréalistes du siècle dernier, le collage était un art couramment pratiqué.  Herbert s'inspirera également de ces idées et, grâce au merveilleux exemple de Cornell, devenu un maître à penser, celui qui s'est toujours considéré comme étant un marginal, se sentira légitimé d'accumuler autant de choses dans son bordélique atelier !

Au début de son parcours de peintre, Greg Herbert versait pas mal dans la nostalgie et ses souvenirs pour trouver des sujets à peindre.  Mais lorsqu'il s'est mis à simplement observer les scènes de rues autour de chez lui, il a découvert que c'est là que l'action se déroulait et qu'il pouvait y puiser une multitude de sujets à traiter.



Bien des peintres se servent de la photographie comme outil de travail avant de commencer à dessiner.  Herberg utilise rarement ce moyen car les sujets sont intimidés par son appareil photographique, ou bien il arrive aussi que les personnes qu'il veut photographier réagissent agressivement et refusent qu'on leur tire le portrait !  

Avec de l'entraînement, Greg a appris à se passer de son appareil photo, et à mémoriser minutieusement les détails de chaque scène urbaine qui l'inspire pour ses tableaux.  C'est un travailleur acharné, qui passe dix heures par jour, six jours par semaine, à dessiner et à peindre dans son studio.  Ce dur labeur explique pourquoi ses oeuvres sont si abondantes et si riches.

Favorisé par son talent naturel, sa longue expérience, sa curiosité sans bornes, son coeur à l'ouvrage, et les bonnes techniques qu'il a su maîtriser, Gregory Herbert est devenu un des peintres dominants de sa génération.
  
Sa renommée fait en sorte qu'il est très sollicité, y compris à titre d'illustrateur, par toutes sortes d'organismes, d'institutions, ou pour des expositions. D'autres artistes, comme ceux de la scène musicale, ont recours à ses services pour créer leurs affiches de spectacles, ou des illustrations pour leurs albums.

Comme tous les surréalistes, Greg Herbert est toujours à l'affût de ce qui sort de l'ordinaire : l'inusité, l'inorthodoxe, le bizarre.  Il aime peindre des personnages colorés, qui ont du caractère et sont en action.  Il est inspiré par des scènes dramatiques comme des accidents, des incendies, des crises de colère, des confrontations, des interactions intéressantes entre les humains de son entourage urbain.



Il recherche les contrastes, les juxtapositions inattendues, par exemple entre la richesse et la pauvreté, entre les différentes classes sociales.  Il montre souvent les côtés sombres et laids de la ville, ceux que les gens ne veulent pas voir.  Comme les mendiants, les sans abri, la saleté, les crimes.  Les modes en vogue (cellulaires, vêtements, bijoux) et les moeurs actuelles des américains sont également dépeintes dans ses ouvrages.

En ce sens, Herbert se définit comme un communicateur qui veut révéler le côté caché ou pittoresque du milieu urbain, et les multiples facettes de la condition humaine d'aujourd'hui.


Sur ses toiles, les animaux et les humains se mêlent et on ne sait plus qui est qui.  Il dessine des animaux avec des traits humains et vice versa.  Il incorpore des personnages de bandes dessinées ou de dessins animés célèbres.  Il peut partir d'un petit détail et l'extrapoler pour imaginer une histoire complète, qu'il reproduira ensuite sur ses peintures.   

Hergert veut surprendre celui ou celle qui va regarder ses tableaux.  Rendre beau ce qui est laid, comme seuls les peintres les plus talentueux osent, savent et peuvent le faire.  Le tout sous forme de satire fantasque, de comédie délirante, de fantaisie absurde, qui rend ses toiles intéressantes et agréables à regarder et à savourer !

Sur la musique de Big K.R.I.T. (Energy), voici un montage de quelques-unes des plus remarquables oeuvres de Gregory Hergert.  Enjoy !



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