Enfants, quand nous jouions aux cowboys et aux Indiens, elles n'étaient pas là.
À la télé, lorsque nous regardons des films de western, elles ne sont pas là.
À l'école, lorsque nous avons étudié l'Histoire Américaine, elles n'étaient pas dans nos livres, non plus.
Jusqu'aux années 1990-2000, j'ignorais leur existence. Et je peux affirmer que bien peu de gens connaissaient leurs histoires.
Mais grâce à l'immense travail de découverte et de création de la portraitiste américaine Lynda Lanker, ces femmes extraordinaires, exerçant le rude métier de «rancher» dans l'Ouest américain, ont pu trouver leur place dans la grande Histoire de leur vaste pays.
Oui, ces femmes valeureuses exploitant d'immenses ranchs de l'Ouest américain en s'occupant du bétail, des chevaux, des cultures et des autres durs travaux de cet exigeant métier ordinairement exercé par des hommes appelés «Cowboys», ont réellement vécu ce genre d'aventure peu commune.
Pendant près de vingt ans de labeur, en révélant au monde entier l'existence et les histoires fascinantes de ces femmes fortes et indépendantes à travers ses dessins ou ses portraits peints avec une multitude de techniques et de matériaux artistiques, Lynda Lanker, une Américaine de Eugene, Oregon, née en 1943 à Kansas City, a tellement été marquée par cette expérience et ses sujets, qu'elle en a été personnellement changée à jamais.
Il faut dire que c'était un sujet de rêve pour une artiste peintre. Un sujet riche, jamais exploré, révélateur, sensationnel : une mine d'or ! Avec des paysages et des personnages fabuleux, beaux à couper le souffle, dignes des héros de la Conquête de l'Ouest. Des portraits d'héroïnes insoupçonnées, d'autant plus précieux qu'ils décrivent une race en voie d'extinction, qui risquait de s'éteindre avant même qu'on l'ait découverte...
Désormais, depuis cette année, leur précieux héritage est conservé pour toujours par un musée du Texas, le «National Cowgirl Museum and Hall of Fame» qui a acquis 65 portraits de l'oeuvre magnifique de Lynda Lanker, qui avait aussi été exposée auparavant, à divers endroits aux USA, et qui a également fait l'objet d'un livre intitulé «Tough by Nature».
Au départ, au début des années 1990, «Tough by Nature» était un tout petit projet dont l'idée était de Elizabeth Brinton, une amie peintre de Lynda Lanker. Le lieu visé était une petite partie de l'Est de l'état de l'Oregon. Brinton devait peindre les paysages et Lanker les personnages. Cette dernière voulait pousser plus loin ses investigations mais son amie n'était pas disposée à voyager davantage. Lanker décida alors de faire cavalier seul.
Pendant qu'elle visitait de plus en plus de ranchs tenus par des femmes, en la voyant peindre de plus en plus de portraits, son mari, le renommé photographe Brian Lanker réalisait bien plus que son épouse à quel point ses travaux étaient importants. Qu'ils étaient véritablement historiques...
Aux yeux de Brian Lanker, ce projet formidable devait être élargi; faire l'objet d'un livre où non seulement l'oeuvre de sa conjointe devait être reproduite, mais montrer également des photographies de ses singuliers sujets, et transcrire les interviews que Lynda faisaient avec eux.
Brian Lanker, fortement impressionné, et conscient de la valeur inestimable du projet artistique de sa tendre moitié, décide alors de mettre en veilleuse ses propres projets professionnels pour se consacrer pendant au moins un an à mettre en valeur et à promouvoir les travaux de sa femme. Malheureusement, il ne peut achever sa tâche puisqu'il meurt d'un cancer dans les mois suivants. Mais le projet du livre qu'il voulait faire lui survit et il fait maintenant lui aussi partie de l'Histoire sous le titre de «Tough by Nature».
Pendant deux décennies, Lynda Lanker a parcouru treize états de l'Ouest américain. Elle a interviewvé, photographié, dessiné, peint, connu et admiré une cinquantaine de ces femmes de ranch. La plupart de ces êtres originaux étaient assez âgés. Plusieurs sont décédés depuis. Les plus jeunes se distinguaient parfois par leur participation à des rodéos.
Ces femmes fantasques ont confié à madame Lanker qu'elles avaient une particularité par rapport à leurs collègues masculins participant aux courses de barils, au concours de lancer du lasso ou de capture de veaux, ou en chevauchant des taureaux sauvages. Lorsqu'elles se blessaient (fractures) en tombant de leur monture, elles ne montraient pas leur douleur aux spectateurs parce qu'elles ne voulaient pas qu'ils la plaignent en disant que c'étaient de faibles femmes qui ne devraient pas essayer de rivaliser avec des hommes naturellement plus durs à leur corps...
Dans les portraits de Lynda Lanker, ces cowgirls plus jeunes se distinguent aussi de leurs aînées par leur attitude joyeuse, exubérante, défiante. Tandis que leurs consoeurs plus âgées montrent souvent un visage ridé, brûlé par le soleil ardent de l'Ouest, un visage fatigué, pensif et parfois mélancolique.
Cette usure s'explique non seulement par la rudesse de leur métier mais parce qu'elles ont dû être des «super women» qui, en plus de trimer dur sur leur ferme, ont été des mères qui ont élevé leurs enfants tout en tenant maison.
Si elles semblent un peu tristes, c'est qu'elles n'ont pas de relève pour leur ranch. Âgées, à bout de force, elles se résignent à vendre leur propriété, souvent à de grands propriétaires terriens, qui agrandissent ainsi leurs terres pour y pratiquer une agriculture industrielle fortement mécanisée et automatisée.
Ou bien ce sont de gros promoteurs immobiliers qui achètent leurs terres bien-aimées et la transforment en développements résidentiels, prolongeant ainsi la ville toute proche.
Au moins, avant de disparaître, ces femmes exceptionnelles auront eu la consolation d'être enfin reconnues par le monde, et immortalisées grâce à l'art fantastique de Lynda Lanker.
Certaines d'entre elles ont visité l'exposition à titre d'invitées d'honneur. Elles étaient à la fois heureuses, émues et fières, de savoir qu'elles ne seront pas oubliées; de savoir qu'elles ont maintenant leur place dans l'Histoire de leur grand pays; et d'avoir démontré courageusement cet autre «american way of life» trop méconnu, celui du mystique Ouest américain.
Voici un aperçu de cette merveilleuse exposition :