Les arts visuels montrent la nudité humaine depuis des temps immémoriaux.
Dans les Balkans, dans un passé récent, on a retrouvé des figurines de personnages nus remontant à 7 000 ans avant Jésus-Christ.
Dans les anciennes civilisations de Babylone, d'Égypte, de l'Inde, de la Grèce, et du Japon, les sculptures représentaient les dieux et les déesses sans le moindre vêtement.
Il est vrai que dans la plupart de ces régions, le climat était chaud, et que les gens ordinaires étaient souvent nues, ou presque nues, pour vaquer à leurs activités quotidiennes. La nudité n'était pas quelque chose d'anormal ou de choquant.
Après les Grecs anciens, la nudité a été exclue des représentations artistiques jusqu'à la période de la Renaissance. Ce long hiatus, surtout au Moyen Âge, est attribuable à la chrétienté, doctrine pour qui la nudité est synonyme de honte, de péché et de faiblesse.
Et même lorsqu'elle réapparaîtra au XVe siècle, on sculptera et on dessinera encore la nudité à travers des personnages anciens, comme Vénus (Vénus endormie, par Giorgione), issus de la mythologie grecque ou romaine.
Il faudra attendre Michel-Ange, et ses oeuvres géniales dans la Chapelle Sixtine, pour que la nudité soit réhabilitée comme "art religieux".
Ce n'est pas avant Édouard Manet (Déjeuner sur l'herbe, 1863) que l'on pourra admirer des nus autres que les divinités antiques.
À la fin du XIXe siècle, l'invention de la photographie relancera l'art du nu. Le célèbre peintre Eugène Delacroix s'inspirera, entre autres, de ce nouveau médium.
Au siècle suivant, la peinture abstraite renouvellera la façon de dessiner les corps nus. Picasso (Demoiselles d'Avignon), par exemple, ajoutera une grande part d'imaginaire pour peindre des nus comme on en avait jamais vus.
Dans notre période contemporaine, beaucoup d'artistes trouvent le nu démodé. Mais certains peintres comme Cecily Brown (photo ci-dessus) ont réussi des tableaux remarquables sur ce thème délaissé.
Née en 1969, en Angleterre, de parents oeuvrant dans le domaine de l'art, Cecily Brown reçoit sa formation de peintre à la Slade School of Fine Art, au début des années 1990. Alors qu'elle cherche sa voie artistique et son style, elle ne trouve pas l'inspiration dans le milieu, les idées et la façon de faire des jeunes peintres de son pays.
Quelques années plus tard, c'est à New York, à la galerie d'art de Jeffrey Deitch, que Brown effectuera des débuts éblouissants et sera catapultée vers le statut de vedette acclamée. Elle s'établit dès lors dans la métropole américaine.
De son propre aveu, Cecily Brown croit que si elle n'était pas une femme, elle aurait percé plus tôt le marché de la peinture commerciale, qui est encore dominé par le genre masculin. Elle a réussi l'exploit d'être une des premières, si ce n'est pas la première peintre féminine, à franchir la barre du million de dollars (U.S.) pour la vente d'une de ses oeuvres.
Depuis, le prix de ses tableaux a atteint et dépassé régulièrement et largement ce seuil. Sa célébrité et sa fortune lui laissent même la liberté de détruire certaines peintures qui ne la satisfont pas, mais qui auraient pu se vendre $ 350 000 ou $ 400 000 u.s. sur le marché, par la seule valeur de sa signature.
Au fil de sa carrière, l'art de Cecily Brown a évolué toujours plus vers l'abstrait. Mais elle s'est toujours efforcée de garder au moins un ou quelques éléments figuratifs dans ses toiles, afin que le visionneur ait quelque chose de bien réel sur lequel «s'accrocher».
Au début, surtout dans ses oeuvres "érotiques", qui lui ont d'ailleurs permis d'acquérir sa renommée, la nouvelle New-Yorkaise avait le don de transformer ses personnages figuratifs en images abstraites.
Mais déjà, à ce stade précurseur, ses tableaux portaient sa marque de commerce. C'est-à-dire qu'ils représentaient des personnages, des animaux, des paysages ou des objets en mouvement, dans des situations de tension, de violence, de conflits, de guerre, de chaos, d'excitation. Souvent dans un déluge de couleurs.
Dans le cas de ses peintures érotiques, ses acteurs apparaissent soit dans des orgies ou/et en état de jouissance orgasmique. Toujours dans l'intensité. Pour frapper l'imagination ou créer le fantasme.
Car pour Cecily Brown, il faut qu'il se passe quelque chose entre ses tableaux et ceux qui les voient. Il faut que ce soit interactif. Que le spectateur participe. Qu'il entre dans la représentation, dans le mouvement. Qu'il le ressente. Qu'il y trouve sa propre interprétation. Qui elle-même pourra changer en même temps que l'individu, qui va changer lui aussi, car il est en mouvement, avec la vie et ses expériences. Peindre le mouvement, l'intensité, la mouvance, c'est peindre la vie. Sinon, à quoi bon ?
Brown peint plusieurs tableaux à la fois. Le travail sur chaque oeuvre, en alternance, peut durer des mois et des années. Ainsi, à mesure que chaque peinture progresse ou fermente, le temps fait son oeuvre. Au fil du temps, le tableau gagne en maturité, s'invente lui-même, dans ce «work in progress» autant dans le cerveau ou le coeur de l'artiste que sur sa toile.
Cecily Brown ne planifie pas ce qu'elle va faire sur ses toiles. Elle peint d'instinct. À partir de presque rien. Une esquisse spontanée, sans idée préconçue, au gré de sa fantaisie, conduira, ou pas, à une peinture quasi-automatique qu'elle considérera aboutie ou ratée, digne pour l'exposition ou seulement bonne pour les vidanges...